Souvent, je me demande ce que penserait la petite fille que j’étais de la femme que je suis devenue. Car oui ça y’est, je ne me sens plus « jeune fille », je sais que je suis « femme ». Allez, soyons indulgents avec ma pomme et disons encore « jeune femme ».
La petite fille que j’étais était terrorisée et inquiète de tout. Peur de rester seule à son cours de gym, peur d’aller acheter le pain, peur d’aller à l’école, peur de râter un contrôle… Pour faire peur à la femme que je suis devenue, il en faut beaucoup. Comme si à force d’avoir eu peur de tout, la terreur avait cédé sa place à de l’indifférence. Peu de choses me font peur, peu de choses ont de prises sur moi. Je peux prendre le RER à n’importe quelle heure, je peux tenir tête à un mec agressif, je peux faire valoir mon avis si je me sens dans mon bon droit, je n’ai plus peur d’être. Pourtant, j’ai encore peur de la nuit noire. Moi la fille des villes, la nuit en campagne même si elle est étoilée me terrifie.
La petite fille que j’étais aimait le chocolat et les bonbons et elle se reconnaîtrait parfaitement dans la femme que je suis.
La petite fille que j’étais était hyponcondriaque et avait toujours un pet de travers. Elle n’aurait pourtant pas osé imaginer le scénario incroyable de ma deuxième grossesse. La maladie est, avec la nuit noire, la seule chose qui me fait encore peur jusque dans les tripes.
La petite fille que j’étais était toute maigre. Elle trouverait que la femme que je suis ressemble à un cachalot et se demanderait ce qu’il a bien pu se passer… Je lui répondrais : les bonbons et le chocolat, ma chérie. Et puis les grossesses aussi.
La petite fille que j’étais aurait peur de ma manière de travailler… Toujours un pied dans le vide et le regard loin devant, comme à la poutre mais elle aurait confiance parce qu’elle saurait que la poutre est mon agrès de prédilection.
La petite fille que j’étais ne comprendrait pas que je continue à porter des sweats à capuches alors que je suis une femme. Comment te dire, ma chérie, que même si je suis une femme qui parfois met du rouge à lèvres, l’uniforme est encore un peu grand pour moi.
Et moi, quel regard je porte sur cette petite fille que j’étais… Je me dis qu’elle a eu peur bien trop souvent et manqué de confiance alors qu’elle avait finalement tout ce qu’il fallait pour réussir et être heureuse : l’amour de ses parents, de son frère, de sa famille, de ses amis, une carrière sportive remarquable et un parcours scolaire brillant. Je me dis aussi que tous ces doutes et toutes ces questions qui m’ont dévorée pendant l’enfance m’ont permis de relativiser ma vie et d’y voir le positif même quand tout semble noir. Je me dis que cette petite fille toute tristounette avec ses lunettes bleues et moi nous sommes si différentes qu’elle n’aurait jamais pu s’imaginer être aussi sereine que je le suis à 32 ans…
Billet sans queue ni tête, à la conjugaison approximative mais qui me fait du bien en cette journée des droits des femmes…
Si vous voulez lire la mère que je suis, c’est ici.
PS : merci à ma cousine Chrystel pour cette photo de moi perdue derrière ma myopie…