Mon Kouign Amann,
Depuis plusieurs semaines, je t’appelle « mon écolier ». Cela te fait sourire, je sens que cela te rend fier aussi te m’entendre t’appeler ainsi. Et cela te terrorise. Ah, l’école… Chaque jour depuis 4 semaines, la séparation te met dans un état de peur intense. Je le vois à ton petit visage qui se déforme, à tes yeux qui se remplissent de larmes et à ta bouche qui se tord en un « maman » désarticulé. Même si tu ne pleures plus qu’au moment de notre séparation, même si tu passes de bonnes journées au final, je voudrais pouvoir t’enlever l’angoisse profonde qui t’assaille à cet instant.
Je voudrais te l’enlever cette peur, mon très cher fils, car je le connais trop bien. C’est elle que j’ai ressentie pendant longtemps, sans pouvoir l’exprimer autrement que par mes pleurs incontrôlables de petite fille terrorisée.
Je voudrais te la prendre cette angoisse et la ressentir à nouveau car je sais que c’est une émotion bien trop grande pour un si petit corps, une si petite tête. Le petit coeur que je te dessines chaque matin au stylo bille au creux du poignet pour te rappeler à quel point on s’aime n’est qu’une faible béquille comparée à la profondeur de ton angoisse.
Je voudrais souffler sur ton front et te faire oublier ce qui t’a tordu, comme dit ton papa. Mais je ne peux pas. Je ne suis que ta maman et pas une magicienne même si je fais très bien les bisous magiques sur les bobos.
Je ne peux pas et finalement, je ne le veux pas réellement. Je me suis construite grâce à mes peurs et je sais maintenant pourquoi je suis si forte parfois. J’ai eu tellement peur à ton âge que rien ne pourra jamais m’effrayer autant.
Mais je peux t’assurer que cela passera. Un jour, sans que tu comprennes vraiment pourquoi, sans même que tu ne le remarques, le poids sur ton petit coeur se sera eclipsé. Ta blessure trop exposée aura finalement cicatrisé. Et je pourrais alors t’appeler « mon écolier » juste pour te faire sourire.