Tu es parti sans te retourner, tu as avancé tout droit devant toi, tu ne voulais tenir la main de personne. C’est seul qui tu es devenu un grand garçon sous mon regard embrumé et sous les « au-revoir, au-revoir » tristounets de ta soeur cadette.
Ah mon Kouign Amann, les histoires de séparation entre nous, c’est tellement douloureux depuis cet épisode qui nous a marqués au fer rouge tous les deux. Tu étais un petit garçon plein de confiance en toi et en nous, et quelque chose s’est cassé en mille morceaux. Tu pouvais avancer sans peur et tu t’es retrouvé paralysé. Depuis presque 3 ans, nous essayons ton papa et moi de t’accompagner au mieux sur le chemin de l’autonomie, un chemin qui te fait tellement peur et sur lequel chaque pas te coûte. Aller à l’école sans pleurer, sans être pétrifié a pris 6 semaines. Assister au cours de gym sans ma présence a pris plusieurs mois. Cette année, tu as réussi a surmonter tes angoisses et à me regarder partir au milieu de ton tout premier cours de poney. Quelle fierté pour toi et pour moi.
Et ce matin, pour la première fois de ta vie, à 4 ans et demi, tu prenais l’avion tout seul. Pire, tu prenais deux avions au cours d’un périple de presque 5 heures. Je t’avais demandé longuement si tu t’en sentais capable « oui, oui, je vais le faire ». Tu te sentais capable de tout pour aller voir ta Mamily à l’autre bout de la France. On a parlé ensemble de comment cela allait se passer. Et ce matin, quand j’ai t’ai demandé comment tu te sentais tu m’as répondu « je suis triste parce que je vais aller avec des gens que je ne connais pas dans l’avion ». Je t’ai répondu que tu n’étais pas triste mais que tu avais un peu peur et que c’était normal. Comme pour la première fois que tu étais allé à l’école. Ce sont les choses que l’on ne connait pas qui nous font peur.
J’ai senti ta peur et ton angoisse au moment de se quitter. Tu as embrassé tes soeurs d’un air absent et évité mon regard après notre petit bisou sur la joue. Le gros câlin échangé en riant quelques minutes avant nous avait suffit pour tout nous dire : « Tu vas me manquer ». « Toi aussi, tu vas me manquer fort mais tu sais quand je la vois pas, elle me manque aussi Mamily ». Je t’ai vu lutter avec toi-même quand l’hôtesse a voulu te prendre la main, j’ai vu ce geste esquissé pour revenir te blottir dans mes bras mais non, mon » amuse-toi bien » faussement enjoué à eu raison de ta peur. Tu as pris sur toi et comme un grand, tu es parti vers ton avion sans te retourner. Heureusement car sinon tu aurais vu mon visage baigné de larmes.
Je n’ai pas encore de nouvelles de ton voyage. Tu es dans un no man’s land entre Lorient et Pau et depuis 10h20 ce matin, je n’ai pas cessé de penser à toi une minute. Parce que je suis tellement fière de toi, mon petit garçon devenu si grand. Mon minipouce prêt à affronter l’extérieur grâce à l’amour que l’on t’a mis dedans et grâce à sa volonté de fer.
Aujourd’hui, tu as repris le chemin de l’indépendance là où tu l’avais laissé un certain 8 novembre 2009.
Vole mon Kouign Amann, vole de tes propres ailes, sans te retourner.
EDIT de 15h50 : Kouign Amann est bien arrivé, il a bien voyagé, a mangé son sandwich mais pas tout, ses bonbons mais pas tous et sa sucette en entier, a lu ses ivres et joué avec son Ipad (= sa Storio VTech). Il était très gai au téléphone. Punaise, je suis encore plus fière je crois.