Cela aura pris du temps. Non, cela m’aura pris du temps. A quoi je m’attendais ? A un bébé livré avec son mode d’emploi ? Non, sûrement pas mais je pensais que je « saurais ». Comme j’ai su si bien pour ta soeur. Dès ses premières minutes, je comprenais tout d’elle, je savais tout d’elle, il me suffisait de la regarder pour savoir si elle avait faim, mal, peur et pour trouver le remède à son mal. Certainement parce que le cordon qui nous reliait avait été coupé trop tôt, elle faisait encore partie de moi et je ressentais avec une force surnaturelle ce qui la traversait. Pour ton frère, je découvrais tout, ça me semblait normal de ne pas tout comprendre…
Mais toi ma Petite Gavotte, tu es arrivée en troisième position, à terme, joufflue et pleine. Un bébé attendu avec une pointe d’angoisse de temps en temps mais les araignées au plafond sont difficiles à déloger (pas vrai Ginie), un bébé né dans une bulle de douceur une douce nuit de fin d’été. Tout devait être facile, c’était écrit. J’avais tellement entendu qu’un troisième, ça s’élève tout seul que j’y croyais. C’était oublier que tu arrivais dans un fratrie où les deux enfants déjà présents avaient de fortes personnalités et prennaient beaucoup de place. Toi aussi, il fallait que tu la fasses, ta place.
Longtemps, je n’ai pas compris tes pleurs, je n’ai pas compris ton besoin impérieux d’être collée physiquement à moi, je n’ai pas compris tes nuits blanches, je n’ai pas compris pourquoi ce n’était pas facile alors que bon, on aurait mérité un 3e enfant qui dorme un minimum. Je n’ai pas compris qu’en terme de parentalité, on ne mérite rien et on n’a rien à réclamer.
Tu as grandis, Petite Gavotte, et moi aussi j’ai grandi avec toi. J’apprends à être ta maman qui n’est pas la même que la maman de Kouign Amann ou que la maman de Fleur de Sel. Désormais je te comprends, je reconnais tes pleurs, je sais si tu pleures de fatigue, de faim ou d’énervement. Je sais que tu ne supportes pas d’avoir les fesses sales quelques minutes. je sais que tu aimes plus que tout discuter avec nous. Je sais que le bain, 5 minutes ça va mais plus, ça t’énerve. Je sais que tu préfères être très couverte quand tu dors. Je sais que tu peux téter toutes les heures si je te propose le sein mais que tu es de meilleure humeur quand on espace les tétées. Je sais que tu t’endors seule comme une grande dans ton berceau car tu as enfin confiance en nous.Je sais que tu n’es ni ton frère, ni ta soeur, tu es toi et c’est merveilleux.
Je comprends que le rôle que nous avions imaginé pour toi n’est pas celui que tu vas tenir. Parce que tu es comme les autres enfants de cette famille : tu as l’esprit de contradiction, un fort caractère et que tu as besoin d’occuper tout l’espace. Je repense à la phrase de Mamily cet été alors que nous n’étions encore que 4 : « de toute façon dans votre famille, il n’y a que des chefs » pour souligner notre légère tendance à vouloir diriger et nos forts caractères. Et voilà, nous sommes désormais 5 chefs… Pourquoi en aurait-il été autrement ?
Je finis ce billet et je croise ton regard qui pétille, tu me lances un »areuh » hilare et je sais que toi aussi maintenant, tu me comprends.