Avant d’entamer le récit de ma course, nous voulions Céline et moi envoyer toutes nos pensées vers les victimes des attentats du 13 novembre ainsi que vers leurs familles.
Il n’y avait selon nous pas de bonne date pour reprendre nos publications alors nous avons décidé de le faire quand nous nous sentirions prêtes et c’est aujourd’hui.
Dimanche dernier, se couraient donc les Foulées du Bonhomme à Kervignac. Deux courses de 8,6 km et de 19,5 km. J’avais choisi le parcours le plus court évidemment parce que depuis le Tour de Houat, je n’avais pas beaucoup couru. Cet objectif me motivait mais je n’avais clairement pas eu le temps nécessaire pour me préparer correctement.
Le vendredi soir, j’étais restée comme beaucoup scotchée devant ma télé jusqu’à 2h30 du matin et la veille de la course, nous étions sortis avec des amis et même si j’ai bu pas mal d’eau entre deux verres d’alcool, je savais bien que je risquais de le payer le lendemain. Mais bon, à circonstances exceptionnelles, attitudes idiotes exceptionnelles. Cette sortie m’a vraiment fait du bien et à refaire, je recommencerais.
Bref, dimanche à 10h10, je réponds présente et je suis sur la ligne de départ avec Céline (pas ma Céline, pas Céline G qui devait courir avec moi mais encore une autre, je sais il faut suivre) et M. la nounou de mes filles. Le mari de Céline (de Wonderful Breizh) et de Céline (qui court avec moi) sont eux aussi sur la ligne de départ.Finalement, je me sens plutôt pas mal, pas de mal de tête, pas de fatigue extrême. Je sais que le parcours est ultra-difficile avec 70% de dénivelés, je sais que je vais souffrir mais je sais que de toute manière, je vais terminer. Avec Céline et M, nous nous mettons d’accord pour partir ensemble et pour ne pas hésiter à se séparer suivant nos rythmes.
L’organisateur de la course prend alors la parole en expliquant que la décision avait été prise de maintenir la course au nom des valeurs du sport et nous observons une minute de silence en hommage aux victimes des attentats. Le sourire de circonstance que je réussis à afficher depuis le matin se fissure mais c’est ballot, je n’ai pas de mouchoir, j’aurais donc la goutte au nez pendant tout le début de course. On se claque dans les mains avec les filles et hop, c’est parti !
Le départ est donné, nous faisons partie du groupe de queue. Je fais un grand coucou à mon mari qui fait des photos et je réalise que je suis vraiment heureuse d’être ici, avec tous ces gens, dans cette belle ambiance.
Le rythme de la course est extrêmement rapide. Je n’ai que Houat comme référence mais vraiment, je trouve que cela part vite ! Au bout de quelques mètres, nous sommes encouragés par ma Céline que l’on repère facilement avec son ciré jaune et par les enfants. Boostée aux good vibes, je fais alors le kilomètre le plus rapide de ma brève existence de runneuse (6’20 au kilomètre, ce qui en soit est loin d’être rapide mais que voulez-vous, je ne suis décidément pas une coureuse née).
Le premier kilomètre arrive donc très vite et après avoir traversé le village de Kernours, nous filons vers la forêt en bord de Blavet. C’est super agréable de courir en forêt mais nous sommes un peu bloquées façon file indienne. On descend beaucoup et je vous avoue que cela me plaît bien moi les descentes. Je parviens à laisser filer et à accélérer autant que je peux (grâce aux conseils du mari de Céline). Mes baskets, même si elle ne sont pas du tout faites pour le trail, me conviennent parfaitement car elles sont légères et elles ne glissent pas. On avale le deuxième kilomètre plutôt tranquillement en maintenant un bon rythme.
Le parcours est vraiment joli, j’ai l’impression que l’on ne fait que descendre, ce qui me laisse un peu angoissée pour la suite puisqu’à un moment, il faudra tout remonter. Avec Céline et M, nous restons bien groupées jusqu’au 3ème kilomètre. Arrive une première montée qui me coupe le souffle. Alors que j’avais peur de flancher au niveau des jambes, c’est au niveau du cardio que je peine. Je m’accroche au rythme des filles mais je souffre vraiment. Ouf, je récupère rapidement et on arrive au quatrième kilomètre, je le sais car mon téléphone vibre sur ma hanche à chaque nouveau kilomètre. En revanche, je ne sais pas depuis combien de temps nous courrons.
Je vois Céline devant qui allonge la foulée alors je lui dis de filer, qu’on se retrouve à l’arrivée, ce qu’elle fait comme une fusée ! Nous tournons autour du château Locguénolé qui est vraiment magnifique, je repense à la jolie nuit passée là-bas avec mon mari et cela me change un peu les idées. Pas longtemps car commence alors un petit enfer. Le parcours enchaîne les « raidillons » avec des pierres un peu partout. Heureusement, le parcours est extrêmement bien fléché et signalé.
Après la première montée, j’ai le souffle haché et cela continue. Je pense que je geins en même temps que je respire. Ma nounou est devant moi, elle me motive, on double d’autres coureuses, même en montée, je ne sais par quel miracle. Dès que cela redescend, je vais mieux et j’allonge ma foulée, je reste donc assez rapide par rapport à mes sorties d’entraînement mais dès que cela remonte, je souffre le martyre. Je pense plusieurs fois à arrêter, parce que c’est trop dur, parce que je ne vais pas y arriver. Mais je me répète : « tu es en vie alors le minimum à faire, c’est de courir, tu fais un pas après l’autre et tu t’accroches ». A chaque pas je prononce intérieurement le prénom de mes enfants comme un mantra.
(petite parenthèse : j’ai conscience que cela peut paraître idiot ou vain de se dire ça et que j’aurais pu m’arrêter sans que cela ne change rien à quoi que ce soit. Mais voilà, à ce moment-là, j’ai vécu cela ainsi, j’aurais eu l’impression de manquer de respect à la vie si je m’étais arrêtée juste parce que je souffrais. Je crois que j’avais besoin d’avoir mal pour me sentir bien vivante aussi, tout simplement.)
On passe le 5ème kilomètre et toujours pas de ravitaillement. Ils veulent nous tuer ou quoi ? Je rêve d’un bon cola, je rêve d’avoir une excuse pour m’arrêter. Mais non, on court, on court. Nous sortons enfin de la forêt pour courir le long du Blavet. Le Pont du Bonhomme nous nargue un peu au loin mais pas le temps de regarder le paysage, la vase glisse tellement qu’il faut faire attention et ne pas lâcher des yeux le chemin. Sur le plat, je vais bien mieux et je rattrape M, le ravitaillement est au bout, c’est certain.
Effectivement, à 6 kilomètre arrive ENFIN le ravitaillement au petit port de Kervignac. Alors que M attrape un verre au vol, je reste une quarantaine de secondes pour boire à petites gorgées et croquer dans une orange. Une nouvelle fois je dis : « rendez-vous à l’arrivée ». Je suis cuite, il reste 2,6 kilomètres, c’est essentiellement de la montée et je suis toute seule désormais.
Juste après le ravitaillement, il faut remonter. On peut presque dire « escalader » tant la route est raide même en marchant. Je décide de marcher mais au bout de trois pas, je me secoue « oh, ça va pas, tu vas pas marcher quand même, tu a réussi à la monter il y a 3 jours cette côte, tu cours bon sang ». Alors je cours à tout petits pas, je me motive et j’y arrive malgré la brûlure provoquée par le quartier d’orange dans mon tube digestif. On retrouve ensuite un peu de plat et je double encore quelques personnes.
7ème kilomètre, on vient de passer le Pont du Bonhomme, il reste 1,6 km et les premiers du 19,5 km (partis 30 minutes avant nous) commencent à me doubler à toute berzingue. Je félicite chaque coureur qui me dépasse mais ils sont visiblement trop concentrés pour le remarquer ! Je discute avec une autre coureuse à qui je donne notre position et notre temps, 53 minutes. Si je peux parler, c’est que je vais bien mieux.
Ensuite, j’ai une sorte de trou noir. Je n’ai aucun souvenir de ce qui se passe entre le 7ème et le 8ème kilomètre. J’ai même du mal à me souvenir du parcours.
J’arrive en bas de la dernière montée. Je la connais par cœur cette montée, elle est dure.
Je tourne dans le dernier virage en espérant voir le portail de l’arrivée mais bon, rien. J’ai très envie de pleurer, c’est trop difficile. Je sais que je ne peux pas arrêter si près du but mais pourquoi pas terminer en marchant ? Hors de question. Chaque foulée me coûte et j’avance tellement lentement que l’arrivée me semble au bout du monde.
Soudain, le mari de ma Céline arrive pour m’accompagner sur la fin. Il m’encourage mais je lui dit que je n’en peux plus, que j’ai juste envie de pleurer. Je ne sais même plus ce qu’il me dit, je suis au bout du rouleau, je ne sais même pas comment mes jambes avancent encore. Je vois enfin l’arrivée, le ciré jaune de Céline et la petite troupe d’enfants qui m’encourage (photo). Je n’ai plus mal nulle part mais impossible d’avancer plus vite alors que j’avais sprinté à Houat. Je suis vidée mais je passe la ligne moitié souriante, moitié grimaçante après 1h03 de course.
OUF. Je l’ai fait.
Céline, M et les hommes sont déjà arrivés, on se tape dans la main genre « on l’a fait » et vu les mines, ça a été dur pour tout le monde.
Mon mari est là qui sourit derrière son appareil photo, mes enfants ne vont pas tarder ensuite à me sauter dessus.
Je suis allée au bout de mes forces mais à ce moment-là, je me sens très en vie.
Un grand merci à l’APEL de l’école Notre Dame de la Clarté de Kervignac pour cette organisation impeccable. Merci d’avoir maintenu la course malgré tout et bravo à tous les bénévoles qui ont été aussi efficaces que souriants. Promis, je reviens l’an prochain, avec les 3 Céline, avec M, avec nos maris et tout ceux qui en auront envie et je ferai les raidillons le doigts dans le nez !
PS : la blague veut qu’en raison d’une erreur lors de mon inscription, on m’annonce comme vainqueur de la course féminine dans le Télégramme alors je tiens ici à rendre à Céline Gallo (encore une Céline, c’est fou !) sa belle victoire !
20 commentaires
Félicitations!! Je devais faire mon premier Trail le même weekend que vous mais je n’ai pas pu pr cause de blessure. Et je pense que je vais ressentir probablement les mêmes émotions que vous la prochaine fois…. C’est une super experiencé que j’espère bien vivre à mon tour! Bonne continuation
Oui, le trail, c’est super sympa ! Le côté nature est vraiment agréable. Merci à toi.
Wow ! Bravo quel courage 🙂
Je ne suis pas certaine que cela soit du courage, plutôt de la rage peut-être ?
Bravo!!! J’admire ta persévérance et ta ténacité.
Merci, on se surprend soi-même à faire des trucs juste avec la tête…
Ce circuit est atroce. Bravo !
Pour ton premier semi-marathon – car je ne doute pas que tu vas l’atteindre, je te conseille le Gâvres – Port-Louis : un parcours de rêve : on ne voit presque pas les km- j’ai dit presque 😉
Ça donnerait presque envie de s’y remettre – j’ai dit presque encore 😉 !!!!
Pour le semi-marathon, ça ne me dit rien en fait. enfin pour le moment. Je crois que je préfère le trail, aussi dur que cela puisse être. Allez, tu t’y remets ?
Ah la laaa, tu m’impressionnes ! J’ai les larmes aux yeux à te lire ! Quelle volonté ! Bravo, vraiment !
Je n’ai encore jamais fait de course « officielle » (mais ça viendra bientôt) et là tout d’un coup je me pose une question : est-ce que les puces mettent le chrono en pause lors des ravitaillements, ou est-ce que le temps total inclut les pauses ?
En tout cas, 1h03 pour presque 9 km, et avec autant de dénivelé, c’est superbe !
Pour ma part, j’ai (enfin) trouvé deux partenaires d’entraînement à la course, et c’est bien plus plaisant ainsi !
Alors on n’avait pas de puces sur cette course (et à Houat non plus je crois). le total inclut les pauses oui. Amuse-toi bien !
EPATANTE Marjo…
Bises
Un peu bête et un peu bornée surtout, la Marjo je crois 😉 Bises à toi.
Bravo, félicitations !
J’aimerais trouver un sport -autre que la course- dans lequel on se depasse autant ! C’est tres emouvant de lire ces récits Merci
Mais non t’es pas bête ! Bien au contraire t’as écouté une part de toi qui avait surement besoin de ça pour dire « mais merde je suis en vie ! » et chapeau pour ces kilomètres toujours durs à faire quand on a le coeur gros.
La photo avec tes pin’s est choupette comme tout.
Douce vie.
Félicitations ! Quel mental, je suis impressionnée ! Ca me motive à prendre plus de temps pour faire du sport.
comme quoi le mental joue beaucoup !!!! félicitations et plein de bisous 🙂
Un grand bravo pour avoir terminé cette course !! quelle ténacité!!
Tu m’as tenu en haleine tout le long de ton article.
Plein de bises
Bon ben voilà, comme une nouille, j’ai les larmes aux yeux. En tout cas, bravo. Et vive la vie 🙂
Ben dis donc je ne sais pas si j’aurai pu en faire autant avec l’alcool les montées et le choc de la veille. Bravo pour ta ténacité !!! J’espère que tu as fêté ça dignement