Hier tu as eu 11 ans

Hier, tu as eu 11 ans ma Fleur de Sel.

Tu as eu 11 ans et ton papa et moi n’avons pas pu passer la journée avec toi. Nous étions près d’une famille qui avait plus besoin de nous que toi ce jour-là. En début de semaine, nous t’avons prévenue que nous ne serions pas là le jour de ton anniversaire et du haut de tes dix-ans-presque-onze, tu as compris sans réserve : « On fêtera ça le lendemain ».

Nous t’avons quittée à 10 heures hier matin. tu étais encore en pyjama, la natte en broussaille, affairée à monter ton gros Lego. Nous sommes venus te récupérer avec ton frère et ta soeur, ventre à terre à 19h58. Certes à cause du couvre-feu mais surtout, pour pouvoir te souhaiter ton anniversaire à l’heure pile.

A 19h58 pétantes nous posions un baiser sur ton front de jeune fille de 11 ans. Et je sais que ça semble idiot d’écrire ça mais c’est pourtant vrai : entre le matin et le soir, tu avais grandi. Ton visage avait changé, tu étais plus grande d’un an. C’était visible.

Encore une année, ma Fleur de Sel, et l’on peut dire que tu y a mis du coeur. Cette année a été celle de l’apaisement. Tu as vécu le confinement comme une reine, avec grâce et humour. Tu as terminé ton CM2 vaillamment malgré les demi-classes, les gestes barrières, la séparation d’avec tes copines et l’absence de kermesse. Tu as fêté tes 10 ans avec tes copines, 7 mois après la vraie date et ça a été un bel au-revoir à tes amies de classe avec qui tu avais passé les 8 années de ta scolarité. C’était beau de vous voir rire et discuter après trois années où l’entente n’était pas au beau fixe. Cette année pas tout à fait simple vous avait rapprochées.

Et puis ça a été la rentrée en 6ème. Masquée et un peu effrayée. Tu t’y es faite à une vitesse incroyable même si ça te bouscule parfois. Tu pars prendre le car avec ton frère chaque matin et vous reformez votre équipe de presque jumeaux avant de vous séparer toute la journée pour mieux vous retrouver sur le chemin du retour. Vous arrivez morts de rire derrière vos masques.

Tu mets du coeur à l’ouvrage pour tes devoirs même si tu n’aimes pas forcément ça. Ta concentration se fait plus fine et tu t’accroches quand c’est difficile (tout en râlant très fort). Tu as trouvé de nouvelles copines dans ta classe et tu ne sembles pas pressée d’entrer dans ce grand bain qu’est l’adolescence. Je sais que ça va très vite alors j’en profite pour contempler la petite fille qui s’anime encore derrière tes traits fins.

L’autre jour, tu nous as raconté un de tes meilleurs moments au collège. Tu avais fini un contrôle que tu rattrapais en permanence et tu as eu le droit de sortir seule dans la cour pour profiter de l’air frais. « Je me suis mise à courir à fond, j’avais toute la cour pour moi, c’était génial ! Et puis après j’ai pu discuter avec les surveillants, c’était trop bien ». Tout ton paradoxe résumé dans cet anecdote. Tu adores courir sans raison les cheveux au vent et tu savoures les discussions avec les adultes quand tu en as l’occasion.

Je sais que la vie au collège n’est pas toujours un long fleuve tranquille mais tu sembles y avoir trouvé ta place. Tu t’adaptes, tu composes, c’est assez nouveau chez toi. C’est la même chose à la maison. Dans votre trio fraternel, tu es aussi à l’aise avec ton grand frère qu’avec ta petite soeur. Nos différents confinements vous ont rapprochés plus que l’on aurait pu l’imaginer. Vous semblez vous suffire les uns aux autres la plupart du temps et c’est beau de vous voir vous entendre aussi bien (oui, il y a des disputes mais vraiment, ça n’est pas la règle).

Tu aimes toujours autant monter à poney sans que cela ne soit une passion dévorante. Il n’y a plus de compétitions mais ça ne semble pas t’importer. Tu profites simplement de tes moments avec les poneys et les copines.

Tu joues toujours du violon et ça te va à ravir.

Et puis tu créées, tu inventes, toujours plus. Tu fabriques des objets et des histoires, tu découpes du carton, tu utilises tout ce qui te tombe sous la main. C’est parfois compliqué de gérer ton bazar artistique, parfois tu te noies sous tes fournitures mais bon sang, quelle inspiration tu as et quelle inspiration tu es.

Hier soir, tu es venue nous voir ton père et moi. Tu nous as dit que tu avais peur mais que tu ne savais pas de quoi. Alors on a refait l’histoire de ta naissance et de ta petite enfance où justement, tu n’avais jamais peur de rien. On a parlé des peurs, de ce qu’elles peuvent apporter et des manières de les appréhender. C’était beau de te voir poser les armes. Comme si tu pouvais enfin quitter ton armure de petite fille guerrière devenue trop étroite pour te laisser grandir. Avec prudence, avec finesse.

Hier, tu as eu 11 ans ma Fleur de Sel et tu es absolument parfaite telle que tu es.